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Sélection

Toupin

  Cet après-midi, je suis retourné chez Roger pour l’aider à construire sa clôture. Ça l’a vraiment touché. Je me demande comment il a pu, étant seul, soulever les tubes et les maintenir afin de les boulonner. À deux, ça se passe très bien et en travaillant, nous parlons de tout et de rien, de nos familles, nos vies passées et présentes… Nous nous découvrons… Je constate que notre amitié est de plus en plus forte… Par moments, le « tu » est à deux doigts de franchir mes lèvres, seul le fait qu’il soit mon aîné, m’en empêche. Toupin, son âne, m’a bien fait rire… Dans l’un des seaux, j’ai remisé les colliers de serrage des tubes. Me voyant faire, la pauvre bête croyant à de la nourriture, est venu y plonger la tête… Pour le consoler de sa méprise, je l’ai nourri de caresses… Extrait du recueil : « L’Île, Il et Elle »…

Ingrats

Auteur - Photo de Andrea Piacquadio: https://www.pexels.com/fr-fr/photo/homme-personne-individu-saisir-3931111/

 

(bout de folie)


Ce sont des ingrats. Ho, ça oui, pour sûr !… Vous les créez ; vous leur donnez un passé, des blessures, des désirs, une vie – et même une éternité – mais cela ne leur suffit pas… Ils en veulent toujours plus… Ah, je vous jure, un jour, ils me tueront !


Mes personnages se sont révoltés. Le meneur de cette mutinerie, c’est Pascal ; il me reproche le fait qu’il ne soit pas un véritable héros : un homme beau, intelligent, courageux et immensément riche ; j’ai essayé de le raisonner, en lui expliquant que ce que j’écrivais, était ancré dans le quotidien, que mes héros étaient des gens simples, mais il n’a rien voulu savoir. Il a réussi à monter les six autres protagonistes de la nouvelle contre moi ; même Jean, personnage récurrent, que j’emploie déjà depuis six récits, me fait la tête.

Ils viennent même de créer leur syndicat : le GIPN. (Groupement d’Intérêt des Personnages de Nouvelles) et se sont mis en grève – sans préavis, d’ailleurs.

En fait, je soupçonne fortement Pascal d’être de mauvaise foi ; la vraie raison, c’est qu’il est jaloux de Juliette, mon héroïne. Qu’y puis-je ? C’est vrai que par rapport aux autres personnages, je lui ai donné beaucoup plus de moi et de ce que j’aime ; elle est quelque part, mon alter ego et mon idéal féminin – aussi y suis-je très attaché… Mais bon, je ne crois pas être le premier auteur à procéder ainsi.


Au début, je n’ai pas voulu céder… Mais de qui se moque-t-on ici ?!… C’est moi, l’écrivain, je fais ce que je veux, non ?!… Je les ai menacés d’abandonner l’histoire, de déchirer les feuilles, d’effacer le fichier du disque dur et de mettre ainsi, un point final à leur existence, mais ça n’a rien donné… Ils savaient bien, les bougres, que j’en étais tout à fait incapable ! Je les aime plus que moi-même, ces idiots. Aussi me suis-je donc résigné à entamer des négociations. Ceci dit, je n’ai pas cédé à toutes leurs revendications ; j’ai juste accepté celle des 35 lignes par page – au lieu de 38 – condition sine qua non à la reprise du cours de l’histoire.


Dieu merci, je vais enfin pouvoir terminer cette nouvelle, commencée il y a plus de deux ans, déjà !…



Extrait du recueil : « Yeux Fermés »…




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