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Publication de divers textes courts (poèmes, haïkus, proses, extraits de sketches et autres) de Jean-Louis Bouzou
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Faire Un Break
Je pense que nous devrions faire un break… Après une énième dispute, elle a employé cette locution qui, pour moi, est un soulagement et aussi un marqueur fort… En effet, je sais bien, par expérience, que ce stade est celui qui précède la rupture.
Sur le chemin du retour, je me sens plus léger ; à présent, elle aussi prend conscience que notre couple bat de l’aile… Nous nous sommes séparés nombre de fois auparavant ; à chacune, je suis parti avec la peur au ventre et une culpabilité en suspens… Là, je suis serein.
Nous devrons nous retrouver après les fêtes à Paris où nous envisagerons de continuer, ou pas, l’aventure ensemble… Pour ma part, j’ai déjà la réponse.
Même si cette rupture ne m’affecte pas, il n’en demeure pas moins qu’elle est, pour moi, un constat d’échec… J’ai rencontré quelqu’un, simple comme moi, avec les mêmes centres d’intérêt que moi, mais peut-être pas tout à fait les mêmes valeurs… Une fois, la passion terminée, la princesse s’est transformée en quelqu’un avec qui je ne me vois ni vivre ni vieillir.
Je vais à présent méditer calmement sur tout cela…
*
Rupture
la mémoire du téléphone saturée
de
mots d’amour.
*
Rupture
après les mots d’amour
les
reproches.
*
Rupture
après les mots de reproche
enfin
le silence.
*
La nuit a été bonne. Je regarde l’heure. Il est encore tôt. Dans ma tête, nagent encore, épars, les bribes d’un rêve…
C’est la nuit… Je marche seul sur un sentier dans la montagne qui n’en finit pas de monter, dans la nuit glacée… Mon sac à dos est lourd, les bretelles m’entaillent les épaules… et je n’arrête pas de trembler… Après un temps infini à errer ainsi, j’arrive à un endroit qui je crois, est mien… il y a un feu de camp. Je pose avec un soulagement mon sac à terre… et m’assois près du feu… Je regarde les flammes, me réchauffe auprès d’elles… Je me dis que je suis bien, ici, que j’ai beaucoup de chance, et puis soudain du feu, jaillit dans un bruit infernal, une flamme extraordinaire, toute bleue et jaune, d’environ trois mètres de haut… Sur le coup, la peur d’être brûlé fait que je me lève et recule précipitamment… La flamme me suit… Je m’arrête… Elle s’arrête… C’est vraiment étrange… Alors j’avance à nouveau et elle revient parmi les autres petites flammes. Je me rassois et étend mes bras vers elle…
Je n’ai plus envie de rester couché, mais à quoi bon se lever ?… J’aurais bien pris une bonne douche chaude, mais je vais réveiller tout le monde, alors je referme mes yeux, écoute les battements de mon cœur, puis les bruits de l’hôtel qui s’éveille à son tour…
*
Paris, quant à lui, est bien réveillé… Moteurs, klaxons, coups de frein, sifflets, engueulades, il ne manque rien à la symphonie de son quotidien… d’un quotidien, qui, s’il est dépaysant pour un touriste comme moi, est cause de désamour et finit par chasser bien loin d’elle, et souvent à la campagne, ses habitants.
Rue du Faubourg Saint-Martin… rue Saint-Martin… le centre Georges Pompidou… Si je l’apprécie aujourd’hui, un peu plus qu’avant, je ne fais pas pour autant, partie de ces pseudo-intellectuels, qui s’extasient dessus… D’extérieur, cela me fait toujours penser à une usine peinturlurée. Si je trouve cela amusant, voire original, c’est loin de me transcender… Par contre ce qui se trouve à l’intérieur, m’attire bien plus, et si je le peux, j’irais voir tout ça.
L’Île de la Cité… Déjà du monde sur le parvis de Notre-Dame… Je regarde un petit moment, sur la façade, les rois qui ont retrouvé leur tête, puis entre dans la cathédrale.
Je ne peux jamais résister. Dès que je croise une église, c’est plus fort que moi, il faut que je la visite. Tout autour de ceux qui prient, nous, les curieux, nous déplaçons latéralement, de chapelle en chapelle, ressentons l’ambiance de ce lieu si chargé de prières et d’histoire, et soudain mon téléphone, que j’ai, bien sûr, oublié d’arrêter, sonne, sonne, sonne… au grand dam des quidams qui me foudroient du regard… et comme j’ai du mal à le retrouver parmi les nombreuses poches de mon blouson, je me dirige vers la sortie en essayant de faire le moins de bruit, possible… Pari raté.
— Oui ?!
— C’est moi. Tu es à Paris ?
— Oui, je suis à Paris.
— Tu es arrivé quand ?
— Hier matin.
— Mais pourquoi, tu m’as pas appelée.
— (Soupir) J’attendais que tu le fasses.
— Je te rappelle que c’est toi qui es parti… et tu vois, c’est encore moi qui t’appelle, là.
— (Soupir)…
— Ne soupire pas. Tu avais dit que tu m’appellerais… Tu sais qu’on doit parler tous les deux.
— Si tu veux.
— On peut se voir quand ?
— Ben, faut que je voie… Je te rappellerai ce soir… Bon, je te laisse, je suis dans Notre-Dame, là… Je ne peux pas vraiment parler… Bises, à ce soir.
Parler, je n’en ai plus l’envie. Vraiment plus. Faut-il lui dire, ou plutôt lui répéter, que tout est usé, que ce que je ressens pour elle, n’est plus à présent de l’amour, tout juste de l’affection… Faut-il lui expliquer que malgré nos points communs et affinités, nous n’avons vraiment pas la même manière de voir la vie, que je n’éprouve plus de joie en sa compagnie, que j’en ai assez de ces petits conflits perpétuels, que j’aspire au calme… et que ce calme-là, je ne le trouverai plus avec elle… Il se peut d’ailleurs que je ne le trouve jamais avec personne… Tant pis, je préfère encore rester seul.
Tout n’est que saisons en amour… et moi, c’est celle du printemps que je préfère… La séduction, une gentille guéguerre : une danse où chacun cherche à mener l’autre, le teste, se teste aussi… où les yeux, les gestes et les mots ont une intensité et une musique qui nous font apprécier et bénir la vie… où l’amour devient pour nous une grande aventure…
Peut-être suis-je une sorte de vampire qui se nourrit de passion, et qui, une fois sa victime saignée à blanc, retourne tranquillement dans son cercueil, jusqu’à ce que la faim d’amour revienne le tenailler…
Cette image un peu délirante, me fait sourire, mais peut-être n’est-elle pas si éloignée de la vérité…
*
Le désamour est quelque chose de terrible… Dans la phase de découverte et de passion, l’autre est imaginé, moulé d’après nos rêves et désirs… puis le temps fait qu’il reprend sa place réelle… Les lignes se déforment, se brisent… les couleurs délavent… On essaie, un temps, de s’en accommoder, de voir ses défauts comme des choses mignonnes, amusantes, distrayantes… mais le « nous » se meurt progressivement… et le « je » reprend du poil de la bête… Le mental reprend sa place au détriment du cœur… D’enfants que nous étions, nous redevenons adultes… Phase de tolérance, on se raisonne, en se disant que l’amour parfait et éternel n’est qu’une utopie, qu’il y aura toujours des petites choses, qui, chez l’autre, nous dérangeront… et qu’il faut regarder plutôt ce qui est beau chez lui… Positivisme, philosophie du verre à moitié plein, instinct de survie de l’amour… Ensuite arrive ce moment où les habitudes s’installent… Acceptation passive… Renoncement… L’autre devient une sorte de meuble… et puis viennent alors, lassitude et réflexion… On commence à tout analyser… à se poser un tas de questions… « Finalement, avons-nous autant d’affinités que cela ? »… « Avons-nous un avenir, ensemble ? »… « Elle ne me manque pas quand je suis seul… Est-ce que je l’aime encore ? »… « L’ai-je vraiment aimée ? »… et tout se délite… On s’en va… une fois… deux fois… trop de fois… et l’on revient parce que l’autre nous supplie… parce que l’on culpabilise de la faire souffrir… Sacrifice !… À ce stade-là, tout est déjà bien fini, mais le cœur lutte encore jusqu’à l’ultime séparation… On ne sait jamais lorsqu’elle se produira… Elle est inopinée… Cela part d’une petite chose banale… comme un plat que l’on a préparé et que l’autre n’apprécie pas, dont on se sert comme excuse… La goutte qui fait déborder le vase… On claque la porte… Et cette fois-là, on ne répond plus aux appels téléphoniques… On efface les SMS, sans même les lire… et le « je » redevient roi…
*
Paris, à la sortie de la station du Palais Royal, elle est là, m’attendant. Nous nous faisons la bise comme de bons amis. Midi approchant, je me mets en quête de trouver un endroit pour déjeuner, et rapidement nous entrons dans un petit resto turc où nous commandons une moussaka.
Elle me pose enfin la question tant attendue :
— Alors, tu as bien réfléchi ? Qu’est-ce qu’on fait ?
— Oui, j’ai bien réfléchi… Je crois qu’on est arrivé au bout de notre histoire… Continuer, pourquoi ?… Nous nous disputons constamment… à propos de tout et de rien… La magie du début a disparu… L’amour est une magie naturelle… Se dire que l’on va faire des efforts pour que ça marche est un non-sens… On a essayé, ça ne marche pas… mais je suis sûr que pour toi comme pour moi, il existe quelqu’un, ailleurs, qui nous attend et nous convient parfaitement… Accordons-nous cette chance de le trouver.
Elle ne dit rien. Je crois que, de son côté, elle a aussi beaucoup repensé à notre parcours et est d’accord avec ce que je viens de dire.
Après le déjeuner, je l’invite à venir visiter l’exposition Philips au musée du Luxembourg. Devant les tableaux de Cézanne, Renoir, Degas, Daumier, Sisley, Van Gogh, Courbet, Gris et tant d’autres, nous retrouvons notre complicité et nos silences admiratifs.
Dans le métro, nous nous séparons. J’ai le sentiment que nous ne nous reverrons plus – du moins dans cette vie… Nous redevenons, l’un pour l’autre, des étrangers…
*
Couloir de métro
deux bises clôturent
notre
histoire.
*
Rupture
j’attends la prochaine
rame de
métro.
*
Après le bruit et le béton, revenu seul dans l’Île-Montagne, je médite et digère la fin de cette aventure… Est-ce l’expérience de la vie ? Je ne ressens aujourd’hui aucune peine, aucun ressentiment… Je ne lui en veux absolument pas… et ne m’en veux pas non plus… Il n’y a pas de responsable, les torts sont partagés… Je ne regrette rien, ni de l’avoir aimée, ni le temps passé avec elle… Tout ce que nous vivons, nous fait grandir, évoluer vers une meilleure version de nous-même en nous confrontant à des blessures que nous refusions de voir…
De mon côté, j’ai l’impression, suite à cette expérience, que je ne suis pas prêt pour une vie de couple… Peut-être suis-je encore bien trop égoïste…
Il me faut trouver le bonheur tout seul… et plus tard, lorsque tout sera pacifié en moi, le partager…
Je sais et sens qu’une autre, mon autre, m’attend quelque part, dans le futur… Peut-être l’ai-je déjà rencontrée, mais pas au bon moment.
De cette histoire qui se termine, le temps va effacer les mauvais souvenirs et paroles blessantes… In fine, ne restera, dans mon esprit que tous ces bons instants vécus ensemble, de la tendresse… ainsi qu’une immense gratitude pour elle.
Adieu Namour, merci pour tout ! Je te souhaite le meilleur…
Extrait du recueil : « L’ïle, Il et Elle »...
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